ASSOCIATION NATIONALE DES ÉLEVEURS BIO (ANEBIO)

 

 Comment valoriser sa production, sécuriser sa commercialisation et améliorer sa communication

 

L’exploitation biologique Domaine Fenniri à pu développer un modèle de production idoine dont L’objectif était d’apporter des réponses à la problématique suivante : Comment aider les agriculteurs éleveurs à mieux gagner leur vie, valoriser les productions et assainir les relations commerciales ?
Accompagner le monde agricole en pleine mutation
Le monde agricole est en pleine mutation. La robotisation de certaines tâches, l’accumulation de données sur notre environnement, la digitalisation des marchés, le changement des pratiques, la prise en compte de l’environnement, l’amélioration de la compétitivité de certains marchés sont quelques points clés, non exhaustifs, qui vont modifier ce secteur dans les années à venir.
Comment aborder l’ensemble de ces points sans s’y perdre ? Comment accompagner les agriculteurs – éleveurs sans faire fausse route ? Comment anticiper et se positionner sur un marché maintenant mondialisé et digitale ? La mutation est en cours et il n’est plus possible de l’arrêter. Il est possible de regarder cette mutation sous plusieurs prismes ; le marché, les techniques et l’environnement.

Le Marché :

Le marché est aujourd’hui complètement sclérosé, principalement du fait d’une minorité d’acteurs ayant un fort pouvoir sur les marchés. Dans ce cas, tout le monde y gagne, sauf le producteur-éleveur et le consommateur. La relation tripartite, agriculteur, distributeur-transformateur, consommateur n’existe plus. Pourtant, si l’on en croit les sondages, la plupart des consommateurs seraient prêt à payer quelques dirhams de plus leurs produits pour mieux rémunérer les agriculteurs.
La mutation des techniques
Les techniques sont elles aussi en pleine mutation. Une multitude de facteurs rentre en ligne de compte :
• D’une part, la pression des consommateurs pour avoir des produits à haute qualité gustative et environnementale à bas coût
• Et d’autre part, les interdictions en cours et à venir sur des produits nocifs pour l’homme et l’environnement.
La robotisation, une meilleure connaissance des terres, un meilleur contrôle des intrants, nous permettent d’entrevoir une nouvelle agriculture. Dans les années à venir, l’agriculteur de demain sera un gestionnaire de l’environnement, de data et … désormais, un producteur-éleveur comme un chef d’entreprise se doit également de connaitre les techniques de ventes et de positionnement sur ses marchés : des compétences, pour le moment, trop souvent oubliées du monde agricole.
L’environnement bouleversé
Le dernier prisme est environnemental. L’agriculteur est, certes, le garant des paysages mais aussi de la biodiversité. L’apiculture qui, à elle seule, cristallise les débats en est un parfait exemple. Tous les apiculteurs le savent : le principal problème c’est la monoculture : le manque de ressources diversifiées. Si le problème de la biodiversité était résolu, les colonies d’abeilles seraient beaucoup moins affaiblies et moins sensibles aux maladies, parasites et…
Si, aujourd’hui, nous avions la même diversité de ressources florales que dans les années 70 – 80 et la même diversité agricole sur les territoires, les problèmes de disparition des abeilles se feraient beaucoup moins ressentir.

Les conséquences du contexte actuel sont dramatiques pour les agriculteurs et les éleveurs puisque l’une complète l’autre : Surmenage, dégradation de sols, de l’environnement et des relations de voisinage, ou perte d’influence dans le monde rural. Ils n’ont actuellement :
• Aucune marge de négociation avec leurs acheteurs,
• Pas ou peu de débouchés nouveaux pour leurs produits,
• Une diversité de leurs productions et revenus qui va décroissante,
• Trop peu de marchés haut de gamme qui leur sont ouverts et énormément de potentiels sous exploités, comme le tourisme gastronomique ou les énergies renouvelables.
Comment faire pour que les producteurs-éleveurs, quelques soient leurs activités, puissent valoriser leurs productions et sécuriser leur commercialisation ?
La première chose à faire pour le gérant de la l’exploitation est
• D’identifier la concurrence présente, locale, nationale,
• D’identifier des axes de différenciations correspondant aux attentes des marchés,
• Diversifier la production et qu’elle soit complémentaire,
• Et de valoriser les produits par de la communication adaptée.
• Attester ces pratiques par une certification pour plus de crédibilité.

A ce jour, peu d’agriculteurs ou éleveur sont dans cette démarche, car eux même ne connaissent pas leurs forces et ne sont pas formés à ces sujets de ce fait une stratégie d’entreprise individualisée pour chaque exploitant agricole s’impose.

Ces points sont pour le moment gérés au mieux par les coopératives, Or, qui connaît mieux les points forts de son exploitation que l’agriculteur ? Qui en parle le mieux ? De plus la data va permettre d’apporter la preuve des points forts et des pratiques différenciantes.
On peut penser que tous les agriculteurs font du blé de la même manière mais en y regardant de plus près c’est très loin d’être le cas. Entre ceux qui utilisent une multitude de variétés anciennes pour recréer des variétés adaptées à leurs terroirs, ceux qui replantent des haies diversifiées à forts potentiels mellifères, ou qui pratiquent l’agriculture de précision, intensif … il y a autant de pratiques que d’agriculteurs. Pourtant, le blé est vendu aux industriels pratiquement dans les mêmes conditions. Ceux qui valorisent le mieux leur blé sont les paysans mettant en avant leurs savoirs faire traditionnel et proposant à leurs clients des produits de qualité et d’exception aussi le même itinéraire est parcouru par les éleveurs d’engraissement intensif e l’élevage extensif sur pâturage des races locaux.
Identifier la concurrence

Le premier pas stratégique pour chaque agriculteur est d’identifier les concurrents présents sur son secteur d’activité et de trouver les moyens de se différencier. Il faut donc se différencier soit par une approche du marché différente en termes de positionnement, soit par une technicité plus forte ou encore par une démarche environnementale plus poussée.
Au Maroc, nous avons la chance d’avoir des milliers de terroirs et de savoirs faire qui pourraient être chacun mis en avant. Et pourtant, cette démarche individuelle ou collective n‘est pour le moment que trop peu mise en place, si l’on excepte quelques produits emblématiques.
Alors c’est aux agriculteurs de se positionner comme tout chef d’entreprise, et de valoriser au mieux leurs produits en fonction de leurs forces.
De manière plus pragmatique, comment valoriser sa production ? Comme évoqué, les industriels et distributeurs n’ont pas intérêt à valoriser de façon trop marquée la qualité des produits agricoles. C’est pour eux un coût d’achat potentiellement plus important et donc un affaiblissement de leurs marges. Pourtant, l’agriculteur a plusieurs solutions à sa disposition.
Mettre en avant les labels ou itinéraires techniques

Cette solution semble la plus logique, mais les agriculteurs eux-mêmes ne savent pas toujours qu’ils sont éligibles à tels ou tels labels.
Les consultants agricoles sont là ? certes, pour les aider à trouver les meilleurs moyens de s’adapter aux demandes et aux conditions des cahiers des charges. Car qui dit labels, dit accès à des cahiers de charges. Encore faut-il se poser la question et former les agriculteurs qui le souhaitent.
Travailler de nouvelles (ou nouvelles anciennes) races et variétés
Beaucoup de variétés anciennes ont été abandonnées du fait de la non mécanisation de leur récolte. La robotique apporte une solution intéressante. Elle permet sur un même terroir de pouvoir cultiver plusieurs variétés anciennes et donc, de faire varier les goûts à l’infini. Chaque variété ancienne peut permettre à l’agriculteur de trouver un nouveau marché et/ou d’augmenter sa productivité.

Pratiquer la montée en gamme des produits en produisant / transformant autrement
La montée en gamme peut se faire en changeant de variétés, en modifiant les itinéraires techniques, croisement des races locales pour aller chercher des labels de haute qualité ou encore en augmentant « la qualité environnementale » de l’exploitation par une conversion AB par exemple.
Le but étant de vendre plus cher les productions en visant des produits d’exception. L’autre solution est d’apporter plus de valeur ajoutée au produit en transformant sur site. Les moyens modernes peuvent permettre de créer de petits ateliers de production un peu partout.
Produire des co-produits et créer de nouveaux modèles économiques

Cette solution est une des alternatives les plus intéressantes. Aujourd’hui, il est dans les mœurs des agriculteurs de pratiquer la méthanisation ou produire de l’énergie à partir du photovoltaïque ou de l’éolien, et il faut encourager ces pratiques. Mais il est aussi possible de produire sur site une multitude d’autres produits comme des champignons en container ou encore des insectes qui recycleront les déchets issus de l’exploitation, le compost…
Les solutions sont illimitées ! Il faut se poser les bonnes questions.
Ecouter son marché et s’ouvrir de nouveaux débouchés
Combien d’agriculteurs-eleveurs tentent d’aller voir (une fois tous les deux / trois ans) les consommateurs et acheteurs pour savoir ce qu’ils attendent d’eux ? En dehors des paysans les plus proches de leurs clients, très peu, voire … aucun.
Pourtant, écouter son marché, c’est s’ouvrir de nouveaux débouchés très tôt, c’est pouvoir détecter une tendance avant qu’elle ne se généralise et c’est une possibilité pour mieux vendre ses produits.

Avant les communications massives sur les réseaux sur la catégorisation des œufs, fruits et legumes, des viandes personne n’était sensibilisé. Aujourd’hui, les consommateurs veulent des produits bio et de plein air ! Les moyens digitaux tels que Facebook, par exemple, peuvent permettre à n’importe qui de sonder rapidement le marché et d’identifier les prochaines tendances.

Ces nouveaux débouchés peuvent aussi prendre la forme de nouveaux marchés. Pourtant, ces mêmes médias peuvent permettre en deux clics de tester l’intérêt d’un marché.
Le tourisme agricole et gastronomique
Ce n’est pas une nouveauté, mais c’est un réel plus. Aujourd’hui, il est essentiellement tourné vers le marché local et de proximité, mais ce n’est pas là qu’il a le plus de potentiel.
Il y a toute une filière nationale à développer en matière de tourisme gastronomique et agricole. Là aussi les moyens digitaux peuvent faire la différence et permettre à l’ensemble des agriculteurs de bénéficier de sources de revenus complémentaires.

Les outils digitaux actuels permettent déjà de faire ce travail de mise en avant de manière un peu plus manuelle et artisanale, mais avec quelques connaissances commerciales et marketing, c’est à la portée de n’importe quelle personne sachant se servir d’un e-mail et d’un réseau social.
Produire n’est plus désormais qu’une partie du métier de l’agriculteur, l’autre est de vendre ses produits.
Une fois qu’on a valorisé ses produits comment sécuriser sa commercialisation ? En gestion d’entreprise, la bonne pratique est bien évidement de ne pas avoir qu’un seul client. Or, aujourd’hui, combien d’agriculteurs vendent l’ensemble de leurs récoltes à un seul acteur ?
Pour revenir au propos précédent, l’agriculteur est un chef d’entreprise comme les autres : il produit, il analyse, il gère des stocks, communique et conclut des contrats de vente. Pourtant, à y regarder de plus près, il a complètement abandonné la communication et les ventes à ses acheteurs.
Quel chef d’entreprise laisserait le soin de choisir ses tarifs à son client ? Aucun. L’agriculteur ne doit pas faire exception à cette règle. Les bonnes pratiques seraient de ne pas vendre plus de 20 % de sa production au même acteur et d’avoir des clients dans différents secteurs :
• Différents secteurs d’activités : des transformateurs (de plusieurs tailles), des revendeurs, des particuliers.
• Différents secteurs géographiques : l’ultra local, le local, le régional, le national et l’international.
Rien qu’avec ce travail, aucun acheteur n’aurait de pouvoir de négociation suffisant pour forcer l’agriculteur-éleveur à vendre à perte ou juste à l’équilibre.

Que faire s’il n’y a pas d’acheteurs sur le territoire ?
C’est là que les acteurs politiques ont un rôle à jouer : en favorisant l’émergence de petites industries locales à très forte valeur ajoutée. Ainsi, le monde agricole pourrait produire majoritairement des produits hauts de gamme fortement valorisables et facilement commercialisables.
Mais pour vendre encore faut-il communiquer.

Comment améliorer sa communication ?
Comme évoqué plus haut, le rôle de la data de production va avoir un impact déterminant dans les années à venir. Pour le moment à l’état embryonnaire, l’agriculture génère déjà des volumes de data gigantesques. Les premiers à avoir la capacité à mettre en avant cette data auront une avance considérable sur l’ensemble des acteurs du secteur.
De manière plus immédiate, plusieurs solutions peuvent déjà être mise en place par les agriculteurs-éleveur, qui devront toujours rester maîtres de leurs données.
• Prendre en main les outils digitaux à leur disposition. Les réseaux sociaux ou des solutions comme l’exploitation Domaine Fenniri permettent déjà d’améliorer notoirement sa visibilité et de trouver de nouveaux clients pour vendre les productions au meilleur prix.
• Travailler avec des « têtes de ponts » digitaux comme les youtubeurs agricoles ou culinaires. Il y a une multitude de partenariats à créer dans ces domaines.
• Naturellement, la solution de se faire accompagner par des professionnels du commerce ou du marketing est aussi à la disposition du monde agricole. Et pourtant, combien d’agriculteurs font appel à un consultant expert sur ces sujets ? La plupart travaillent pourtant déjà avec des consultants métiers pour améliorer leurs productions ou optimiser les aides.
• Mais le point le plus important sera toujours de déterminer les attentes des marchés et des consommateurs afin de pouvoir communiquer avec le bon produit, vers la bonne personne, au bon moment.

L’agriculture est un secteur en pleine mutation par excellence. Le métier change, les agriculteurs passent d’une mono activité d’agriculteur à une forme de multi-activité comme les autres entreprises. Ils vont devoir réfléchir à proposer une offre qui réponde à des marchés et non plus à une production définie par leur acheteur. Il faudra donc surtout réfléchir en termes de besoin client qu’on écoute pour s’adapter, et non plus en termes de besoin acheteur auquel on répond.
Rien qu’en prenant en compte ce dernier point, c’est l’ensemble du monde agricole qui peut être transfiguré.